Pendant que les Bourguignon étaient résidents à Bamako, je
suis allé passer Noël 2002 au Mali... J'ai quitté la France et sa froidure et me
retrouve quelques heures plus tard au Mali. Après la visite de Bamako, bruits,
foule, cyclomoteurs, fumée, échoppes nombreuses, multitudes de petits vendeurs
et petits métiers comme il y a partout en Afrique, sacs plastiques noirs volant
partout, nous allons partir
dans leur 4x4 plateau vers le pays Dogon et la falaise de Badiangara.

Un bonheur
de faire une visite avec des guides expérimentés : Samuel et son ami Amadou ainsi
que le grand Nico, parti ensuite se marier en Amérique du sud.... mais çà c'est
une autre histoire...

Pot d'arrivée sous les cailcedrats, magnifique arbre à
écorce parfumée en bordure du fleuve Niger.

Repas du midi de Noël
chez des coopérants très décevants, pour beaucoup fonctionnaires à l'Ambassade
de France;
un mélange surprenant de personnalités : une secrétaire abusive, mon ambassadeur
ci, mon ambassadeur ça, un net manque de vision politique et individuelle... Un
retour en France après un ou deux contrats me semble être une bonne chose pour
réapprendre l'humilité... Le sentiment que chacun joue un rôle, bien huilé et
superficiel. Seul un s'en tenait à une civilité certaine, notre hôte, sachant
écouter et échanger : ainsi cette conversation sur notre unique parcelle
d'immortalité, les gênes que nous transmettons à nos enfants, ce qui doit nous
rendre modestes, moins exigeants vis à vis d'eux, et attendre que ce qu'ils
peuvent nous donner, laissant place au hasard et à la chance...

Départ le
lendemain. Montée vers le nord, premiers baobabs, villages de terre brune ou
grise, greniers à mil partout, togouna, le lieu de palabres à pilotis recouvert
d'une épaisse couche de tiges de mil pour amoindrir la chaleur, chevreaux.
Heureusement qu'un vent venant du fleuve, à partir de Ségou, tempère la chaleur
pesante; dommage de ne pas s'arrêter devant certains villages, mais la route
commande. On croise des voyageurs qui dorment sur le toit des hôtels bondés en
cette saison. Direction le Bani, affluent du Niger, pour une journée en
pinasse sur
l'eau avec vue sur la mosquée, les rizières des zones inondables bordant le
fleuve cultivées par les peuls, villages bas innombrables où l'activité semble
toujours se reproduire : femmes à la lessive, linge qui sèche sur les buissons
entourant les jardins, poteries de toutes formes, lavage des salades avant le
départ pour la vente au marché, filets de pêche qui sèchent.
J' ai apprécié l'animation quand notre pirogue passait devant certains
villages avec le brouhaha des enfants. Arrêt au village de Torongoro où bien vite arrive la foultitude d'enfants venus voir les toubabous.
Visite des ruelles resserrées, de la mosquée superbe avec ses bois de rognier
(les terrons)
hérissant les murs pour faciliter le recrépissage annuel avant la saison des
pluies . Ce village superbe rassemble des populations peules et bozos; les femmes
peules ont un port superbe agrémenté de superbes bijoux. Inetché (merci)
Anitchogoma (bonjour) Kamoufou ou Kambé (au revoir). Quel dommage de ne pas
rester plus longtemps et de fuir les gens! Au retour le jeune de la pinasse nous
offrira un thé fort et sucré pour accompagner notre sandwich au poulet. De retour à Mopti, nous renouerons avec les plaisirs d'une certaine civilisation :
une bonne bière fraîche au maquis donnant sur le port.

Dès la sortie de Mopti, c'est la piste en latérite vers
Badangiara, que de bosses et de radiers. Arrivée sur le grand canyon, de Djiguibonbo à Kamikoubole sur le plateau jusqu'à Telli au pied, route
bétonnée qui facilite la descente de la falaise jusqu'à la plaine, autrefois
couverte de forêt. Visite de ce dernier village, cadeau de noix de colas aux
anciens, installation du campement juste avant la nuit : moustiquaire de
canadienne montée sur le toit de cases : coucher de soleil fabuleux, bruits de
la nuit, de la cuisine dans les cours, résonance des cris d'animaux sur la
falaise toute proche. Air sec et puissant , toilette en extérieur au seau et
gobelet : Nicolas nous dira "je suis arrivé à me laver le cul sans me
mouiller!". Au titre des informations culinaires, Amadou nous fera manger
des spaghettis et de la sauce tomate, au mieux un peu de pintade ou de poulet
chétif pendant tout le séjour, alors nous n'y reviendrons pas! Parlons plutôt
des nuits étoilées, d'une clarté infinie au pied de la falaise. Au petit matin
cris des enfants, "ça va les bonbons!!!", appel du muezzin, petit déjeuner
rapide, chargement de la voiture, visite des anciens villages troglodytes, dans
les grottes des falaises hostiles, déjà
dans la chaleur du matin, où vivaient les Telems, Thélèmes? avant que les Dogons ne les
chassent pour s'y réfugier à leur tour, fuyant l'islamisation du pays mandingue
dont ils sont originaires : les Telems quitteront la proximité des forêts de la plaine et iront
s'installer au Cameroun ou au Gabon. Vers 1983, les Dogons descendent dans la
plaine, laissant seul dans ces villages accrochés, le hogon, sorcier alimenté
par la communauté (par de jeunes vierges), consulté régulièrement sur l'avenir ou pour
régler des conflits, et utilisant la cosmogonie dogon, et plus haut, au-dessus,
les nécropoles des Dogons.
Lorsqu'on pénètre dans ces villages, on a le sentiment
d'entrer dans un sanctuaire où l’univers culturel repose sur une
philosophie et une religion extrêmement riches et complexes, qui
semblent inaccessibles et envoûtantes.
Dans chaque village, on
trouve la mosquée, la togouna, (celle de Endé, aux piliers sculptés, est
superbe), et les cases aux trois entrées pour permettre une éventuelle fuite en
cas d'attaque des Toucouleurs, l'ennemi peul. Nous croiserons quelques
touristes, des marcheurs courageux, vu la chaleur, nous ferons des siestes à
l'abri des tiges de mil dans une ambiance détendue, avec un accueil toujours
chaleureux comme à Yabatalou où nous passerons la nuit après avoir monté nos
affaires, entre les éboulis, car le village est un peu en retrait de la piste où
transitent femmes, enfants, touristes marcheurs, ânes et carrioles. Nous irons
au marché, lieu unique des couleurs et des odeurs (vert des salades, oignons,
mil, tissus, vaisselle, poissons), lieu d'échange entre ceux du plateau et ceux
de la plaine. Le campement me fait penser à Wasa au Cameroun pour une soirée
magnifique et ventilée. Nous accompagnerons sur la falaise Samuel à la chasse
aux (11) pigeons, hauts-faits d'arme (le fusil à deux bouches a beaucoup
impressionné) qui seront abondamment commentée dès la nuit venue
par Radio Gomana, tenue par un jeune malien qui croit au pouvoir des ondes et
qui émet chaque soir avec des moyens rudimentaires des infos locales, reçues à
trois kilomètres à la ronde ... Plus tard dans la nuit, Nicolas se lèvera et ira
parler en français à la radio, reçue 100 mètres plus bas... Nuit bruyante :
ronflements et pets... Au réveil : tintamare de poules, coqs, moutons, ânes pour
accompagner le lever du soleil sur la falaise et le baobab à fruits juste devant
nos yeux, magique.

haut de page
Des villages-perchoirs difficiles d'accès |
Sommaire |
Une bonne piste, en partant de Sévaré, s'étend sur une soixantaine de
kilomètres jusqu'à Bandiagara, chef-lieu administratif du pays dogon. De
là, une piste difficile d'une quarantaine de kilomètres franchissant des
seuils rocheux, serpentant entre les éboulis de grès qui portent parfois
un village à peine discernable, tant il se confond avec l'environnement
même en deux ou trois heures à la bourgade de Sangha. Localité
rassemblant 13 villages ayant chacun un nom celle-ci est établie au
sommet de la falaise et domine vertigineusement cette fantastique paroi
rocheuse haute de 200 à 400 mètres, qui s'allonge sur près de 20) km.
Les guides connaissent la région, les villages et leur chef, chez
lequel s'effectue généralement la halte lorsque la randonnée dure
plusieurs jours. De plus, ils connaissent les rites et les interdits
nombreux chez les Dogon ce qui évitera de commettre des impairs. Le
voyageur pressé peut faire un petit tour d'une journée, mais une
randonnée de plusieurs jours s'impose si l'on veut s'imprégner un peu du
pays dogon et vivre au rythme des villageois. Leur quotidien qui ne
semble pas avoir changé depuis des siècles, à l'image de ce qu'en avait
perçu l'ethnologue français Marcel Griaule, "se projette en mille gestes
et rites sur une scène où se meut une multitude d'hommes vivants ".
Marcel Griaule a approché de près la riche et complexe culture des Dogon
parmi lesquels il a souvent résidé à partir de 1931. C'est lui qui est à
l'origine du premier barrage d'irrigation et de l'introduction de la
culture des oignons dans la région, qui reste la seule ressource
d'échange. A sa mort, en 1956, les Dogon lui ont organisé des
funérailles traditionnelles. Son mannequin funéraire surplombe
aujourd'hui encore le barrage qu'il a fait ériger. Après les cérémonies
funéraires, la coutume exige que soit brisée la houe du cultivateur pour
signifier la fin de son labeur sur terre : le sens du symbole des Dogon
les a alors poussé à briser l'outil de travail de l'ethnologue... un
crayon.
Une cheminée d'escalade, aménagée pour le passage conduit au premier
village de la falaise Banani. Chaque village est composé de cases
d'habitation, qui se distingue par leur forme rectangulaire et leur
toit-terrasse d'où la vue est somptueuse. Les villages sont parsemés de
greniers, carrés à la base et coiffés d'un "chapeau " de paille conique,
dans lequel est stocké le mil.
Trônant dans chaque quartier du village, la grande maison de famille
(guinna) est le domaine du patriarche, gardien des autels des ancêtres,
autorité morale et religieuse incontestée. Un peu plus loin, sur une
éminence d'où l'on peut embrasser d'un seul coup d'œil le village et la
plaine environnante, le togouna, ou maison de la parole, est l'endroit
où les hommes se réunissent pour discuter des affaires du village.
La togou-na est constituée de huit piliers sur
lesquels reposent huit couches de chaume ; le chiffre huit, selon la
cosmogonie dogon, correspond au nombre des premiers ancêtres des Dogon.
Si le toit du togou-na paraît anormalement bas, c'est simplement parce
que les hommes y règlent les problèmes, assis, et si l'un d'entre eux
s'emporte en se levant pour mieux se faire entendre, il est rapidement
calmé en se cognant le crâne au plafond.
La "case à palabres " est restaurée chaque année, après la saison des
pluies par les hommes du village qui consolident le socle et en ravivent
les symboles et les couleurs.
A l'écart des maisons d'habitation se remarquent les cases rondes ou
les femmes doivent s'isoler pendant leur période menstruelle, tandis
que, çà et là, autels et sanctuaires totémiques portent la trace des
libations de bouillie de mil ou du sang des sacrifices.
Moins connus que Sangha, Banani et les villages avoisinants comme
ceux d'Ireli et de Tireli, d'autres villages s'égrènent à l'ouest des
falaises au-delà de Kendié (au nord-ouest de Bandiagara). A partir de ce
dernier village, plus de piste ; seulement des escaliers naturels
gravissant jusqu'à Borko la succession de forteresses de grès dans
lesquelles se sont réfugiés les Dogon de l'Ouest.
Sur les escarpements et les parois souvent difficilement accessibles
des falaises, les Tellem, premiers habitants de la région, ont laissé de
nombreuses constructions troglodytes. Celles-ci servent aujourd'hui de
cimetière aux Dogon qui, à l'aide de cordes, hissent les corps des
défunts jusqu'à leur dernière demeure, suspendue entre ciel et terre.
Nul ne sait ce qu'il est advenu des Tellem : supplantés par les Dogon,
ils disparaissent de la falaise au XV siècle, sans qu'on ait pu
retrouver leur trace ou identifier leurs descendants de façon certaine.
L'origine des Dogon, elle aussi, est mystérieuse. Provenant du Mandé,
ils quittèrent cette contrée entre le XIe et le XIIe siècle ; leur
départ fut sans doute déterminé par leur refus de se convertir à
l'islam. La clémence du climat a servi d'élément de sédentarisation.
A leur arrivée dans la région des falaises, Ils se scindèrent en
plusieurs groupes établissant des villages le long de l'escarpement sur
le, plateau ou dans la plaine. Mais Ces derniers sont les plus exposés
aux menaces extérieures et les attaques des Mossi au XVe siècle et des
Peul au XVII siècle les obligèrent à se replier dans les anfractuosités
de la falaise, ce qui explique la généralisation du choix de sites
défensifs par les villageois et les caractéristiques si particulières de
cet habitat.
Une cosmogonie digne de celles des
peuples antiques |
|
Outre l'architecture, l'intérêt que présente le pays des Dogons tient
à l'extrême richesse de leurs mythes et de leurs rites. Pour ce peuple,
l'univers a été créé par Amma, le Verbe de Dieu, lequel engendra des
jumeaux : Nommo, le Dieu d'Eau, maître de la vie et le Renard Pâle,
incarnation de la révolte, de l'inceste et du désordre, mais aussi de
l'émancipation individuelle hors des normes sociales. Ces deux principes
complémentaires, et les oppositions qui en découlent (vie/mort,
jour/nuit, homme/femme, sécheresse/humidité), régissent tous les aspects
de la culture et de la vie matérielle des Dogon. Chaque masque remplit
une fonction sociale. Les sauts périlleux des guerriers qui lancent
leurs flèches vers le ciel ou bran dissent leur fusil en prenant à
partie les mauvais génies sont autant de gestes réglés comme une
horloge, destinés à faciliter l'entrée du défunt dans l'univers des
ancêtres, à la fois parallèle et complémentaire de celui des vivants.
Le culte des morts est un élément essentiel de la religion dogon. Lors
des cérémonies funèbres, et plus tard lors des "levées de deuil ", les
masques sculptés par les danseurs se mettent à vivre, transmettant de
génération en génération les mythes essentiels. Pour les voyageurs qui
ont la chance d'y assister, ces danses constituent un superbe spectacle
mais aussi par-delà l'aspect folklorique, un événement bouleversant car
il touche à l'essence même d'un peuple.
Mais la plus grande cérémonie dogon, celle qui pare du plus de prestige
l'initie qui y a assisté est le Sigui. Lorsque le masque du même nom,
haut de sept mètres se met danser, le corps de celui qui le porte est
animé par la respiration même du premier souffle de la création. Le
visiteur devra hélas s'armer d'une patience à toute épreuve s'il veut
assister à ce spectacle car cette cérémonie dont la dernière eut lieu en
1974 ne se reproduit que tous les soixante ans.
Un peuple fier, dur à la tâche |
|
Pourtant, même s'il ne fait qu'un bref séjour en pays dogon, le
voyageur gardera le souvenir d'un peuple fier, parfois farouche, dur à
la peine qui n'hésite pas à travailler sans relâche sur de minuscules
parcelles où la terre a été apportée à dos d'homme -- mais aussi d'un
peuple qui veille sur ses traditions, sachant ce qu'elles représentent
pour lui : son plus précieux trésor. Les Dogon s'étonnent du reste de
l'intérêt quelque peu envahissant que leur civilisation suscite chez les
étrangers. Ils ne comprennent pas que leurs villages soient devenus des
"musées vivants " dont on voudrait fouiller l'âme. Bref, ils ne
comprennent pas qu'on cherche à les comprendre.
|
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Tout le monde se met au travail, filles à la cuisine et au
pilon, garçons aux troupeaux de moutons ou de chèvres. C'est notre
grand jour de marche, nous allons escalader la falaise pendant que
Samuel fera le tour en voiture pour nous récupérer trois heures plus
tard sur le plateau. Passage vertigineux entre les deux murailles
abruptes empruntées depuis plus de 2000 ans et permettant les échanges
ente le haut et le bas. Sur la plateau nous découvrons de minuscules
parcelles plantées de mil, oignons... Deux villages proches s'offrent
à nous, Inguélou et Indélou, d'où la vue sur la plaine est
époustouflante. Nous constatons, de note piton rocheux où l'orange
fraîche est dégustée avec un plaisir extrême, l'avancée du
sable, là comme ailleurs. Beaucoup de vent en hauteur.

Je pense aux enfants, que je
souhaiterai près de moi en cet endroit magique, et imagine la
préparation, sans aucun sens pour moi en ces lieux, de Noël dans leur
lointaine contrée froide et distante. Je pense aussi à Séverine avec
qui je partage une vision humaniste des relations avec les Africains,
vision guère partagée ici et maintenant.
J'ai posé des questions sur les histoires locales,
les histoires des falaises de Badiangara, les batailles avec le colon français et
comment Oumar Tall a été défait par Sékou Amadou en 1819 (empire peul du Macina).
Nous rencontrerons le forgeron, fabriquant chaque
pièce de fusil une à une, avec l'aide d'un commis souffleur d' outres
de chèvres, et quelques masques de sortie ce jour-là à Indélou,
faisant peur aux enfants circoncis. Seules les femmes nées le jour de
Sighi (jour où l'on refait la case du Hogon), peuvent assister à la
cérémonie où les anciens guident les danses des plus jeunes en raphia
vert ou mauve et animent de chants et percussions les sorties de
masques Kananga.

Nous rejoindrons par la piste Gondo et Bénimatou
(rochers plats, dunes, montées et descentes difficiles nécessitant le
passage en 4x4). Nous croisons des marcheurs, à côté des ânes en
carioles portant leurs bagages, que nous retrouverons à Tiréli, haut
lieu touristique du coin. On y déjeune de spaghettis à la sauce tomate
sous la togouna (Nico s'enfilera un pastis qui l'anéantira aussitôt
dans une sieste profonde!) et nous éviterons vite Banani où les
toubabs sont attendus, avant la remontée finale de la falaise, par des
hordes de marchands d'objets souvenirs. La route grimpe par des pentes
raides offrant des vues superbes, inoubliables. Nous verrons des
rolliers d'Abyssinie, merles métalliques bleu vert à longue
queue et des perruches vertes.
Nous nous arrêterons enfin à Djénné, gardant le
meilleur pour la fin. C'est le 31 décembre 2002. Ancienne capitale du
royaume, Djénné a été occupée par les marocains faisant le commerce
d'esclave, d'où un style d'habitat varié : soudanais par la
construction en banco et les portes sous avancée, marocain avec les
moucharabiés délicats,...

En
1819, Djenné est
annexé à l’Empire
peul du Macina de
Sékou Amadou qui
fait détruire la mosquée pour en construire une nouvelle. En
1906, le
gouverneur colonial français
William Ponty
accepte, à la demande du marabout Almamy Sonfo, de reconstruire à
l’identique l’ancienne mosquée du roi Koi Komboro. Les travaux,
commencés en octobre 1906, seront terminés le 1er
octobre
1907. La grande
mosquée peut accueillir environ 1000 fidèles. Elle mesure 75 mètres de
côté et 20 mètres de hauteur. Son toit est soutenu par 100 piliers.
Entièrement réalisée en banco, la mosquée bénéficie chaque année d’un
crépissage auquel participent tous les habitants de la ville. Elle est
typique de l'architecture
soudanaise qui
inspire les maçons
bozos, ceux-ci
puisent dans les lignes de ce monument l'esprit des nouvelles mosquées.
Grande mosquée inoubliable dont nous faisons
le tour avec un guide, Ibrahim, qui nous promène ensuite dans le
dédale de rues. Nous verrons la maison que René Caillé habita,
maintenant celle d'un notable de la ville. Les cases sont superbes,
ont traversé les temps grâce au beurre de karité qui, mélangé au
banco, à solidifié les briques de terre ocre; seul regret la saleté
des rues, au caniveau central noir crasseux et fétide où jouent les
enfants. Les toits des cases offrent des vues magnifiques sur la ville
de 16 000 habitants entourée d'eau. second passage sur le fleuve
Niger, pour traverser la lagune et les zones inondables.
Tombouctou n'aurait pas connu une telle splendeur
sans sa jumelle du Sud : Djenné. Mais Djenné n'est pas une simple copie
de Tombouctou. La ville a acquis au cours des âges un caractère
particulier que lui ont conféré sa situation géographique et une
certaine chance historique.
Située au coeur
du delta intérieur du Niger, Djenné apparaît comme une véritable île,
émergeant des hautes eaux du fleuve pendant la crue de l'hivernage,
émergeant aussi de quelques mètres au-dessus du sol désespérément plat
du Macina. Plusieurs mois de l'année protégée par les eaux, et le reste
du temps confiante dans l'épaisseur des murailles qui la ceignent
entièrement, Djenné est restée pratiquement exempte de pillages,
d'incendies, de toutes ces catastrophes qui modifient si profondément le
visage d'une ville. Aujourd'hui, l'aspect de Djenné est celui qu'a
contemplé René Caillé en 1828 - à peu de choses près. Et René Caillé eut
sous les yeux un spectacle qui n'avait guère changé depuis le Moyen-Age.
En fait, Djenné
fut fondée à l'aube du IXème siècle. On lui donna son nom 'la petite
Dia' en souvenir d'une ville de l'antique empire du Ghana. Mais son
développement ne commença que vers le début du XIIème siècle, au moment
où Tombouctou prit son essor. La ville se convertit à l'Islam et se dota
d'une mosquée. Les marchands du Sud y affluaient avec leur plomb, leur
or, leur ivoire, leurs noix de colas, leur laine. On construisit de
lourdes pirogues capables de transporter par dizaines de tonnes à la
fois ces produits vers Tombouctou qui drainait le commerce avec le Nord.
Ainsi se créa au Moyen-Age une civilisation urbaine raffinée qui faisait
s'écrier à Es-Sadi, l'auteur du Tarikh-es-Soudan : 'cette ville est
grande, florissante et prospère ; elle est riche, bénie du ciel et
favorisée par lui. Dieu a accordé à ce pays toutes ses faveurs comme une
chose naturelle et innée. Les habitants de Djenné sont bienveillants,
aimables et hospitaliers.' Le même auteur énumère les savants que Djenné
fournit au monde musulman : Mourimagha Kankoï, Sanou El Ouankori et
surtout Mohammed Baghayogho.
Lorsque le
voyageur français René Caillié parvint à Djenné en 1828, il put
constater à loisir la puissance et la beauté de cette ville, triplement
fière de sa mosquée (et de ce qu'elle suppose de rayonnement
intellectuel et religieux), de son commerce, enfin de l'architecture des
maisons qui porte témoignage de la fortune et du goût des 'Djennenké'.
Le déclin de
Djenné au XIXème siècle n'est pas sans rapport avec l'entreprise de
restauration de l'intégrisme islamique menée par Cheikhou Amadou. Ce
chef politique et religieux chasse littéralement 'les marchands du
temple' : il transfère les marchés de Djenné plus à l'est (c'est lui qui
créa Mopti) et démolit la mosquée multi-séculaire pour en rebâtir une
autre plus à son gré. Aujourd'hui, la mosquée rebâtie en 1907 sur les
fondations de l'ancienne, a acquis une juste célébrité et les pluies
d'hivernage ont bien eu le temps de lui donner la douce patine des vieux
monuments.
Le marché du
Lundi fonctionne - et avec quelle vitalité ! Quant à la ville, elle
offre aux regards la splendide architecture de ses maisons à étage et à
fronton, rare exemple en Afrique de l'Ouest d'un site intégralement
préservé des outrages du temps et du modernisme déprédateur. Aucune
impression n'est aussi forte que celle que peut ressentir le voyageur
qui arrive un lundi, jour de marché, à Djenné. Vers midi, l'impitoyable
lumière fait flamber les couleurs des boubous et la clameur de la foule
emplit l'espace devant la mosquée.
Textes
issus de :
maliba.8m.com/Sites/djenne.htm
Nous rejoindrons alors un campement pour le soir
du 31/12, au bord du Bani, baigné de lumière à notre arrivée. Nous
retrouverons la communauté française locale et le charme sera rompu...
J'ai été ému de la simplicité de vie de certains de ces villages
comme figés dans le temps. Les gens sont simples, accueillants,
courtois et hospitaliers. Une belle leçon d'humilité dans ce voyage,
pas toujours partagée.
Merci à nos organisateurs pour ce voyage inoubliable au coeur d'une
des civilisations les plus anciennes d'Afrique, les Dogons.
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